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De l'insurrection à la reddition allemande

De l'insurrection à la reddition allemande, une semaine pour libérer Paris

Grèves, combats de rue, barricades: du 19 au 25 août 1944, le peuple parisien retrouve, en s'insurgeant contre l'occupant allemand, la ferveur des grandes heures révolutionnaires.

Après quatre années d'occupation, "Paris était mûr pour un grand soulèvement", selon Alexandre Parodi, délégué en France du général de Gaulle. C'est ainsi que l'on a pu dire que "Paris s'est libéré tout seul", jusqu'à forcer la main du commandement allié pour mettre en avant Leclerc qui, le 25 au matin, entre dans la capitale et participe aux combats.

"A la Libération de Paris, en vérité, rien ne manqua de ce qu'il fallait qu'elle fût pour être digne de la France", reconnaîtra le général de Gaulle.

Le mérite fut d'autant plus grand qu'entre les Alliés, la résistance extérieure et les résistants parisiens, des divergences existaient sur les modalités de la Libération, non sans arrière-pensées politiques. Qui tiendra Paris tiendra la France.

Chartres et Orléans libérés le 17, "il paraissait de plus en plus évident qu'Eisenhower avait l'intention de contourner Paris", se souvient Rol-Tanguy, chef communiste des Forces françaises de l'intérieur (FFI), le plus ardent partisan d'un soulèvement immédiat et indépendant de la capitale.

Très actifs dans la clandestinité, les communistes espérent tirer profit d'une situation "révolutionnaire" pour gagner la bataille de la légitimité face au gouvernement provisoire de de Gaulle.

Malgré les tentatives des représentants du général - Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi - de freiner l'impatience des Parisiens, le colonel Rol-Tanguy proclame le 18 août la mobilisation générale.

Le lendemain, Parodi se résout à ne pas attendre l'ordre du gouvernement provisoire d'Alger pour appeler à l'insurrection, aux côtés des différents mouvements de la Résistance parisienne: "Français, tous au combat!".

Samedi 19, au réveil, les Parisiens découvrent leurs résistants, porteurs de brassards. La grève est générale depuis la veille: ni transports (les cheminots sont en grève depuis le 10), ni gaz, ni électricité, ni courrier. La police est ralliée à la Résistance depuis le 15.

Les journaux de la collaboration ont disparu bientôt remplacés par ceux de la clandestinité. Le chef des SS, le général Oberg, fuit la capitale. Pierre Laval est parti le 18, sous escorte allemande. Il n'y a plus de gouvernement.

Les Allemands -16.000 hommes, 80 chars et une soixantaine de canons- sont depuis le 9 août sous le commandement du général von Choltitz, installé à l'Hotel Meurice, rue de Rivoli. Désorganisés, ils sont vite confinés par les FFI à quelques points d'appui: Ecole militaire, Luxembourg, Concorde, Opéra, République.

Aux ordres successifs d'Hitler de transformer Paris en un "champ de ruines", von Choltitz n'obéira pas, jugeant ce projet insensé et irréalisable.

De 2.000 à 3.000 agents en civil s'emparent de la préfecture de police et arrêtent le préfet Bussière. Charles Luizet, nommé par Alger, prend ses fonctions. Mairies, commissariats, bureaux de poste sont investis par les résistants, qui s'arment progressivement. De son PC souterrain, le colonel Rol coordonne les actions.

Dimanche 20, des hauts-parleurs annoncent un cessez-le-feu. Les Parisiens nombreux dans les rues achètent à la sauvette des cocardes et des drapeaux tricolores. Les Allemands plient bagages et la Gestapo brûle ses dossiers sur les pavés de la rue des Saussaies.

Il ne s'agit en fait que d'une trêve de 24 heures, obtenue la veille au soir par le consul général de Suède, Raoul Nordling, et acceptée par Chaban-Delmas et Parodi. Rejetée avec force par les mouvements de la Résistance intérieure, elle sera rompue le lundi 21 au soir.

Les combats reprennent. Des barricades surgissent partout le lendemain. Les résistants étendent leur contrôle sur des quartiers entiers et tiennent l'Hôtel de ville.

Le 23, les affrontements se poursuivent. Depuis l'aube, la 2ème DB est en route vers Chartres et Rambouillet, épaulée par la 4ème division d'infanterie américaine.

Le lendemain, vers 21H20, un détachement blindé, commandé par le capitaine Dronne, parvient à l'Hôtel de Ville. La nuit tombe sur la foule en liesse qui acclame les libérateurs et monte à l'assaut des véhicules. La radio annonce la nouvelle, les cloches des églises sonnent.

Au matin du vendredi 25, les chars Sherman de Leclerc entrent dans Paris en trois colonnes par le sud et l'ouest, rejoints par les FFI. A midi, le drapeau français flotte sur la Tour Eiffel. La reddition des blockhaus allemands sera parfois meurtrière, place de la République et à l'Ecole militaire.

L'unité du colonel Billotte de la 2ème DB prend d'assaut l'Hôtel Meurice et obtient la reddition de von Choltitz peu après 14H30. L'acte de capitulation est signé vers 15h30 à la préfecture de police par von Choltitz et le général Leclerc.

Quelques instants plus tard, au PC de Leclerc, gare Montparnasse, von Choltitz rédige ses ordres de cessez-le-feu. C'est là que Leclerc consent à faire signer à Rol-Tanguy l'acte de capitulation, avant que ne les rejoigne le général de Gaulle, arrivé de Rambouillet. Ce dernier manifestera son mécontentement face à la revendication du résistant communiste qui "procède", selon lui, "d'une tendance inacceptable".

Le chef du gouvernement provisoire, qui va s'installer rue Saint-Dominique au ministère de la Guerre, se rend à l'Hôtel de Ville où l'attend le Conseil national de la Résistance (CNR) rassemblé autour de son chef Georges Bidault.

De Gaulle refuse de proclamer une République qui, pour lui, "n'a jamais cessé d'exister". Il rend hommage à la capitale: "Paris outragé! Paris brisé! Paris martyrisé! mais Paris libéré! libéré par lui-même (...)." Puis, bras ouverts, il salue les Parisiens, qui l'acclament.

Dans le centre de Paris, de mystérieux coups de feu semblent venir des toits et des fenêtres. Les FFI poursuivent les criminels, certains sont lynchés par la foule, tandis que de nombreuses femmes, accusées de collaboration, sont tondues.

Samedi 26 au matin, le général de Gaulle descend les Champs-Elysées, escorté par une marée humaine jusqu'à Notre-Dame.

Mais les combats continuent. Dans la nuit, les Allemands bombardent la capitale et du 27 au 30, la 2e DB repoussera les attaques.

Au total, la "bataille de Paris" aura coûté la vie à près de 1.000 FFI, 130 soldats de la 2e DB et près de 600 civils, et à plus de 3.000 soldats allemands.

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